Nouvelle publication de l'équipe Coureuil-Jamet dans Nature Communications
Les méningocoques réorganisent la membrane des cellules hôtes pour recruter leurs propres récepteurs de signalisation
L'équipe de Mathieu Coureuil et Anne Jamet – Biologie Intégrative des Interactions Hôte-Pathogène – à l'INEM, en collaboration avec des collègues de l’Institut Cochin, de PICMO, de l’Institut des Saints-Pères et du CIMI Paris, met en lumière un mécanisme biophysique permettant à Neisseria meningitidis—la bactérie responsable des méningites et septicémies méningococciques—d’adhérer aux cellules endothéliales humaines et d’y recruter ses récepteurs avec une efficacité remarquable.
Ce travail, mené par Audrey Laurent Granger et Kévin Sollier (co-premier.es auteur.es), révèle que les méningocoques exploitent leurs pili de type IV pour remodeler la membrane plasmique de l’hôte et induire la formation de structures membranaires tubulaires (TMS). Contrairement aux processus d’adhésion classiques reposant sur des interactions ligand–récepteur de haute affinité, ce mécanisme fonctionne sans signalisation, sans ATP et sans activité cytosquelettique : il résulte d’un phénomène physique de "mouillage" (de wetting en anglais).
Ces structures tubulaires concentrent de manière non spécifique les protéines de membrane de l’hôte, dont les récepteurs clés du méningocoque tels que CD147 et le récepteur β2-adrénergique, augmentant ainsi la probabilité d’interactions efficace ligand-récepteur, même sous les forces de cisaillement du flux sanguin. Cela fournit une explication moléculaire à la capacité du méningocoque de causer une infection malgré une dose infectieuse extrêmement faible et suggère que des mécanismes similaires pourraient être exploités par d’autres bactéries pathogènes piliées.
Un modèle en trois étapes émerge de cette étude :
- Initiation – L’adhésine PilC1, située à l’extrémité du pilus, déclenche le mouillage membranaire et la formation des TMS.
- Regroupement des récepteurs – Les TMS enrichissent les complexes CD147/β2AR, favorisant l’interaction avec la protéine pilinaire PilV.
- Stabilisation – Les forces mécaniques et la signalisation via β2AR recrutent l’ezrine et l’actine, renforçant l’adhésion et permettant la croissance de la colonie bactérienne.
A l'aide de microscopie corrélative CLEM-SEM, d'analyses de diffusion protéiques, de cellules fixées chimiquement, de déplétion d'ATP, et de "plasma membrane sheets", les auteur.es momontrent que la mise en place des TMS est entièrement indépendante de la signalisation cellulaire, tandis que leur stabilisation requiert du renforcement par le cytosquelette d'actine.
Ces travaux introduisent un nouveau paradigme dans les interactions hôte–pathogène, en soulignant comment les forces physiques peuvent précéder et organiser la signalisation moléculaire au cours de l’infection. Ils pourraient ouvrir la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques anti-adhésion ciblant les composants des pili de type IV ou leurs récepteurs hôtes.
🔗 Lisez l'article sur le site de Nature Communications
🔬 Image credit : Audrey Laurent Granger, previous PhD from the Coureuil team. Meningococci colony on an endothelial cell. IF: bacteria (cyan), ezrin (magenta); SEM: orange coloring on TMS.